À l’affiche de la captivante série espagnole “Antidisturbios”, Vicky Luengo y incarne une jeune inspectrice des affaires internes déterminée à faire éclater la vérité au grand jour. Un rôle qui a beaucoup plu à cette actrice de 31 ans encore peu connue du public français, malgré des débuts au cinéma dans le film “Carmen” et une apparition dans un épisode de la saga culte “Camping Paradis”. Pour cet entretien, Vicky Luengo a tenu à le faire dans la langue de Molière et c’est sans fausse note que nous avons échangé avec une jeune femme talentueuse dont le nom n’est pas prêt de disparaître.
Où avez-vous appris à parler aussi bien français ?
Il y a 11 ans, j’ai passé un casting pour “Carmen”, un téléfilm français réalisé par Jacques Malaterre. Ce jour-là, je ne parlais pas un mot de français et j’ai un peu menti pendant le casting car j’avais appris le texte par coeur (rires). Deux semaines après, Jacques me rappelle pour m’annoncer que j’étais prise pour le rôle de Carmen et là je lui ai tout avoué. Je suis partie en tournage à Paris et en Camargue donc j’avais besoin de maîtriser la langue pour échanger avec tout le monde. Pendant deux mois, j’ai pris des cours à raison de 5 heures par jour. Maintenant, je suis contente de savoir parler français, mais c’est dommage car je ne le pratique pas en Espagne.
À propos du film “Carmen”, vous avez indiqué dans une interview pour El HuffPost que vous l’avez “précieusement conservé dans votre boîte à souvenirs”. Pourquoi ?
Ça a été une expérience humaine incroyable pour cette jeune fille de 20 ans partie toute seule à Paris, sans maîtriser la langue et sans connaître personne. Au début, c’était compliqué mais après ça a été une période qui m’a fait grandir en tant que comédienne et femme. J’ai beaucoup aimé l’expérience et j’en garde un très bon souvenir.
“Laia est une femme normale”
On vous a vue à l’affiche de la série “Antidisturbios” dans le rôle de Laia, la jeune inspectrice des affaires internes. Comment décririez-vous votre personnage ?
Je crois que Laia est une femme intelligente et ambitieuse, qui sait exactement ce qu’elle veut et pour qui la vérité et la justice sont très importantes. Quand j’ai lu le scénario, j’ai beaucoup aimé car pour moi c’est une femme normale : elle se trompe, elle fait des choses bien, d’autres mal, son ambition la pousse parfois trop loin. Elle s’intéresse plus à l’intelligence qu’au physique. Se maquiller et bien s’habiller n’ont pas d’importance pour elle. Pour moi, c’est une femme réelle et pas du tout un cliché.
Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle ?
J’ai suivi une préparation physique deux mois avant le début du tournage, j’ai aussi beaucoup répété avec le réalisateur et les autres comédiens et j’ai également pris des rendez-vous avec quelqu’un qui travaille aux affaires internes espagnoles. Je voulais savoir comment il organisait ses journées, connaître son métier, etc… Je voulais m’y approcher de manière objective et ne pas partir dans des clichés comme on peut en voir dans certaines fictions. C’était important pour moi de m’immerger dans ce métier pour pouvoir bien jouer mon personnage. Après, il faut beaucoup travailler sur le voyage personnel du personnage pour donner la bonne énergie, la bonne intensité et la bonne intention.
Laia est le personnage principal de la série, une femme qui s’impose dans un milieu masculin. Qu’avez-vous pensé de cette idée développée par le réalisateur Rodrigo Sorogoyen ?
Je crois que Rodrigo Sorogoyen et Isabel Peña savaient parfaitement qu’ils voulaient une femme comme personnage principal parce qu’ils trouvaient intéressant de confronter la masculinité à cette femme qui essaye d’avoir la même place que les hommes. Comment cette fille peut-elle essayer d’arriver au plus haut poste de la police ? C’était très intéressant à développer et je trouve qu’ils ont eu une très bonne idée.
Parlez-nous de votre rencontre avec Rodrigo Sorogoyen.
On avait déjà travaillé ensemble il y a 10 ans pour la série espagnole “La Pecera de Eva”. Je ne me souvenais plus trop de lui et inversement (rires). C’est un super réalisateur que j’admire énormément et de qui j’ai beaucoup appris. C’est un vrai plaisir de jouer pour lui et je suis très contente du résultat, car on formait une super équipe et on s’est tous très bien entendus.
“J’admire beaucoup le travail de Maïwenn”
Et en France, pour quel réalisateur rêveriez-vous de tourner un jour ?
En ce moment, j’admire beaucoup le travail de Maïwenn. J’adore ses films, ses scénarios, sa manière de diriger ses acteurs et la vérité que je ressens dans son cinéma. Ce serait vraiment incroyable de pouvoir travailler un jour pour elle.
En Espagne, “Antidisturbios” est considérée comme la série de l’année 2021. Comment expliquez-vous ce succès ?
C’est une combinaison de plusieurs choses. On n’en parle pas assez lors de la conception d’un projet, mais le scénario est fondamental. Écrire sur des sujets actuels va donner envie de suivre la série. Pour moi, c’est un petit peu l’objectif d’une fiction : mettre à l’écran quelque chose qui trouble le spectateur pour se remettre en question et juger la situation, en étant d’accord ou non.
Après, la réalisation est incroyable. Je crois que Rodrigo a réussi à faire en sorte que toute l’équipe aille dans la même direction. Le niveau d’exigence était élevé donc on a beaucoup travaillé. Derrière le succès, il y a le travail et aussi de la chance. S’il existait une formule magique, tout le monde ferait la même chose (rires).
Vous parlez de scénario, que recherchez-vous dans ceux que l’on vous propose ?
Je déteste les rôles de femmes qui sont là pour accompagner les rôles principaux masculins. Je veux des rôles avec une personnalité, une complexité, des nuances et qui racontent une histoire. Parfois, à la lecture d’un scénario, je sens que j’ai besoin de dire ces mots-là. Après, le réalisateur ou la réalisatrice est aussi très important à mes yeux, ainsi que les autres comédiens.
“La qualité des séries espagnoles se ressent”
Que vous apporte le cinéma ?
À chaque nouveau personnage, je vois la possibilité d’en apprendre sur moi-même. En tant que comédienne, ça m’a apporté de l’épanouissement. Grâce à mon métier, je pense que je suis plus tolérante, je comprends mieux certaines situations. Je peux vivre différentes vies qui ne sont pas celles que je vivrais normalement et c’est un privilège.
En tant que spectatrice, je vois le cinéma comme une façon de voyager, de comprendre, de découvrir des situations qui me sont inconnues, de me remettre en question. C’est une façon de voir la vie à travers des yeux qui ne sont pas les miens et je trouve ça intéressant.
Depuis quelques années, l’Espagne devient l’un des acteurs majeurs en termes de productions de fictions. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Je crois que la qualité des séries espagnoles se ressent et qu’elles racontent des histoires importantes : “Antidisturbios”, “Patria” qui a connu un gros succès en France ou encore “Veneno” qui cartonne aux États-Unis. Avec toutes les plateformes de streaming qui émergent aujourd’hui, on a plus de possibilités à en diffuser et à en regarder partout dans le monde. Tout ça facilite beaucoup le mouvement.
Aimeriez-vous passer derrière la caméra un jour ?
Bien sûr, mais je ne suis pas encore prête à me lancer. Après, on ne peut jamais dire jamais, donc je laisse la porte ouverte (rires).