…ne disent pas “Je t’aime”. Mais ils disent “Il y a de l’amour”, comme on dit qu’il neige ou qu’il fait jour. »
Les beaux jours de cette fin de mars, mêlant la neige au soleil, évoquent la clarté neigeuse des fleurs de cerisier sur le bleu vif du ciel : ces fleurs renommées, dont la saison commence au Japon.
Au pays du soleil levant, voici le temps du Hanami, ce qui signifie : « contempler les fleurs ».
Cette invitation à goûter la beauté est l’occasion de se plonger dans un inventaire poétique du Japon : le court livre d’Elena Janvier s’inscrit dans la tradition des listes littéraires dont Sei Shônagon, avec ses Notes de l’oreiller, fut la plus illustre représentante. En quelques coups de pinceaux, Elena Janvier peint délicatement la civilisation japonaise, tout en finesse et en paradoxes.
C’est une mosaïque d’idées élégantes, d’impressions éphémères , de paysages, d’émotions familières aux couleurs inconnues ; découvrir le regard que les Japonais posent sur le monde transforme notre vécu, inspire notre imaginaire et nos sentiments. Ce regard invite à la métamorphose ; des fleurs sont transformées en fruits, des dominos en éventails qui se replient gracieusement, et l’enfer en lotus.
La langue japonaise, dans sa manière de les exprimer, ne fait pas naître les sentiments de l’intériorité ; elle les fait naître de ce qui nous entoure – de l’atmosphère, du temps, des lieux – et nous traverser, comme des aquarelles qui flotteraient dans notre âme, et la peindraient à leurs nuances.
Un missionnaire européen écrivait du Japon au XVIème siècle : « Là où s’achèvent les dernières pages de nos livres, commencent les leurs. » Dans l’archipel d’Extrême-Orient, les promenades sans but, les flâneries dont l’objet serait la marche elle-même, n’existent pas ; tous les pas sont guidés par un sens. La contemplation n’est pas un luxe, mais l’essence de la vie. Peut-être ce carnet, concis et méditatif, lu comme on savoure une cérémonie du thé, sera-t-il le commencement d’un autre regard – là où s’achèvent les images évoquées dans ce livre, commencent les vôtres.
- Au Japon, ceux qui s’aiment ne disent pas Je t’aime, Elena Janvier, Arlea poche, 7 euros.