Richard Morency est un archetier québécois. C’est la musique qui l’a mené à la fabrication et la réparation des archets, qui donnent vie aux violons. Un métier artisanal qu’il aime passionnément et dont il a appris les nuances au sein de l’atelier parisien Raffin, mondialement reconnu. Il répond à nos questions avec enthousiasme et proximité. Une rencontre enrichissante, malgré la distance.
LCV Magazine : Quel est votre parcours, qu’est-ce qui vous a motivé à devenir archetier et d’après vous quelles sont les qualités nécessaires pour faire ce métier ?
Richard Morency : Je suis musicien donc c’est la musique qui m’a amené à l’archèterie, et à la lutherie. Après avoir fabriqué quelques violons, je me suis lancé dans la conception des archets et c’est immédiatement devenu ma passion. Je me suis formé à l’école de lutherie de Québec, qui est la seule école de lutherie au Canada. Puis à Paris en travaillant 3 ans sur la rue de Rome à l’atelier Raffin. Je suis ensuite revenu au Québec pour ouvrir mon atelier en 2010 et je me tire d’affaires depuis ce temps-là.
Au sujet des qualités nécessaires pour exercer cet artisanat, la première chose à savoir, c’est que c’est un métier de passion, parce que ce n’est pas un métier où l’on gagne nécessairement très bien sa vie donc il faut avoir une envie et une habileté pour le travail manuel, je pense que c’est essentiel.
LCV Magazine : Y a-t-il une différence au niveau du métier entre la France et le Québec ?
Richard Morency : On dit que l’archet est à la France ce que le violon est à l’Italie donc c’est vraiment une spécialité française depuis le XVIIIe siècle. Les français se sont toujours démarqués pour leurs techniques de travail et leur savoir-faire, tout part de la France au niveau de l’archeterie. Les gens vont essayer de se rapprocher de ce savoir-faire-là, puis de le faire à leur manière un peu partout dans le monde. J’ai appris la manière française et je m’efforce de conserver ce savoir-faire-là, et de la faire perdurer dans le temps et le passer aux générations suivantes.
LCV Magazine : Avez-vous déjà rencontré des difficultés dans votre métier (pénurie, concurrence…) ?
Richard Morency : La plus grande difficulté repose sur l’approvisionnement de matières premières, le bois qui est utilisé qu’on appelle le pernambouc qui est une espèce en voie de disparition qui vient du Brésil dont les stocks sont contrôlés au niveau des douanes et du commerce international. Presque toutes les autres espèces qui vont servir pour l’archeterie c’est-à-dire l’ébène, le cuir de lézard, la nacre, le fanon de baleine, l’écaille de tortue, l’ivoire sont réglementées donc ça devient très compliqué de s’approvisionner pour la fabrication donc c’est vraiment la plus grande difficulté. La concurrence en archeterie est très simple car c’est un milieu où il y a beaucoup d’échanges d’informations et beaucoup d’entraide, encore plus au Québec. On essaye de tous s’améliorer en s’entraidant, en faisant évoluer le métier et en faisant progresser tout le monde.
LCV Magazine : Quels liens pouvez-vous faire entre votre métier d’archetier et celui de luthier ?
Richard Morency : Il y a le travail manuel qui est là dans les deux cas et puis ce sont deux métiers « frères ». Un violon sans archet fait une très mauvaise guitare ce qui fait que l’un est essentiel à l’autre. Sinon c’est le maniement des outils, les positions de travail qui vont être semblables, la même rigueur, la même passion. Ce sont des métiers qui sont différent mais tout de même très proches.
Infogram Sondage : 2 chiffres clefs Nous avons effectué un sondage sur le métier d’archetier, nous avons obtenu 320 réponses. 40% des participants ne savent pas définir le métier d’archetier 87% des participants pensent qu’il y a plus de 100 archetier en France
LCV Magazine : Quelles sont les perspectives d’avenir pour ce métier et quel impact a eu le covid sur votre métier et avez-vous réussi à trouver des solutions pour continuer votre activité ?
Richard Morency : Il y aura toujours besoin d’archetiers pour réparer les archets anciens, et faire l’entretien courant, changer les mèches de crin. Au niveau de la fabrication, il y a plusieurs initiatives qui ont été mises en place, comme l’IPCI, qui est une incitative pour la conservation du pernambouc. C’est un travail qui est fait avec les agriculteurs au Brésil pour replanter le ce bois depuis plus de 25 ans. S’agissant de l’avenir, les métiers traditionnels ne sont pas très en vogue aujourd’hui. On retrouve donc une pénurie de gens intéressés par ces métiers traditionnels. Pour la progression du métier avec la technologie quelques avancées ont été faites. Je suis moi-même sur un projet avec un centre de recherche ici au Québec, j’ai dans l’idée de développer des archets faits avec d’autres matériaux. Enfin, et s’agissant de l’actualité du Covid, l’atelier a été fermé du mois de mars au mois de juillet. Nous en avons profité pour fabriquer de nouveaux archets. Normalement 80% du temps on va s’occuper de restaurer des archets et faire de l’entretien et il reste 20% pour fabriquer de nouveaux archets, lorsqu’on a un peu de temps. Avec la pandémie, on s’est mis à fabriquer beaucoup d’archets qu’on peut vendre maintenant que l’activité a repris, ça nous permet de continuer à vivre de ce métier.
Propos recueillis par Mila Giraudon, Karolina Lazarevski, Alix Giral, Isaure Dupont-Cariot, Thibaud Bernet Becuwe.
Discussion about this post