Elégant et un brin réservé, Benoît Lemercier n’est pas un artiste au sens classique du terme… D’ailleurs, il n’aime pas ce mot : “Artiste” ! Très jeune, il est attiré par le travail manuel. Très vite, il imagine des objets en 3D, pratique le collage, le sciage, la soudure, la couture, l’électricité… Son travail est très conceptuel. Lorsqu’à 30 ans, il se décide enfin à devenir pleinement artiste et son engagement est soutenu par François et Danielle Morellet, Aurélie Nemours, Véra Molnar, Julije Knifer. Gottfried Honegger l’encouragera plus tard dans la voie de la sculpture. Pour construire son travail plastique, Benoît Lemercier s’est rapproché de l’univers des sciences, en particulier celui lié aux recherches fondamentales actuelles. Afin de proposer un voyage au cœur de la matière, il a organisé et divisé sa production en séries. Chacune d’elles est inspirée par une problématique spécifique.
Instagram : benoit.lemercier
LCV Magazine : Comment allez-vous Benoit ?
Benoit Lemercier : Ca va, je vous remercie.
LCV Magazine : Comment vivez-vous votre confinement ?
Benoit Lemercier : Plutôt bien. Je le respecte scrupuleusement. Je ne suis pas sorti depuis plus d’un mois. Mon métier de sculpteur fait que je suis habitué à passer un grand nombre de journées enfermé dans l’atelier. Donc cette situation n’est pas très perturbante pour moi. Si mon corps est limité dans sa capacité de déplacement, mon esprit est libre et peut vagabonder.
LCV Magazine : Comment occupez-vous vos journées ?
Benoit Lemercier : Les journées sont assez organisées. Je passe les matinées à mon bureau pour répondre aux mails et aux courriers. Au cours des premières semaines, j’ai profité des après-midi pour faire des rangements. Maintenant, je travaille à la réalisation de dessins que j’avais en tête depuis longtemps.
LCV Magazine : Selon vous quel est le rôle de l’art dans la situation actuelle ?
Benoit Lemercier : L’objet de l’art n’est pas de répondre aux évènements, ni d’en être le miroir. C’est à l’économiste, au journaliste ou au sociologue de commenter le quotidien… pas à l’œuvre d’art. L’art doit chercher l’universel qui parle à chacun d’entre nous et non le particulier de l’évènement présent. La démarche artistique s’inscrit selon moi dans une réflexion à très long terme. L’art est un chemin vers la beauté… Et ne sous-estimons pas la force de la beauté ! La beauté apporte espoir, joie et sens à la vie.
LCV Magazine : Comment appréhendez vous l’après confinement ?
Benoit Lemercier : La situation à venir va dépendre de la durée de l’épidémie. Plus le retour à une vie « normale » va être rapide, moins le choc va être important. Je crains malheureusement, que les conséquences sanitaires du confinement soient très importantes et que les fortes perturbations économiques qui vont en découler favorisent l’augmentation de nombreuses pathologies. Sur le plan économique, les états occidentaux vont devoir faire face à une dette financière absolument colossale qui va être un élément majeur de déstabilisation pour l’avenir. Le tissu économique constitué par les petites entreprises risque d’être très endommagé, mettant en péril les choix de vie de beaucoup de travailleurs indépendants, dans des secteurs d’activités comme l’artisanat, la presse, le touristique ou la culture. Dans le commerce de l’art, il est à craindre la fermeture de galeries dont la trop petite taille, et par la même la petite trésorerie, ne permettra pas de passer indemne cette période. Ce tableau général est plutôt sombre, mais il est important de croire et d’espérer en la résilience collective, car après tout, nous pouvons être les acteurs dynamiques d’un avenir meilleur. Structurellement parlant, je n’imagine pas, contrairement à ce que disent certains, l’avènement d’un nouveau paradigme ou d’un nouveau pacte social. L’expérience traumatisante que nous vivons va sans doute apporter des modifications de comportements dans l’organisation du travail, dans les échanges commerciaux ou dans les actes d’achats. L’écologie va gagner du terrain. Mais les changements fondamentaux dans l’organisation de nos sociétés ne sont pas pour maintenant… sauf bien entendu si la maladie venait à perdurer. D’un point de vue individuel et psychologique, on peut légitimement penser que cette période particulière va permettre à beaucoup d’entre nous d’avoir un regard plus pertinent sur le sens qu’il souhaite donner à sa vie et lui permettre de prendre un peu de recul par rapport à ses désirs. Dans les mois à venir, la culture, dans son ensemble, va avoir une place importante à jouer. Je pense aux théâtres, aux cinémas, aux expositions d’art, aux salons littéraires… Bref, à tous ces lieux et ces évènements qui apportent à la fois du sens et du rêve. La culture sauvera le monde… Vous ne croyez pas ?
LCV Magazine : Quels « petits bonheurs » vous aident à tenir ?
Benoit Lemercier : Je pense aux gens que j’aime.
Entretien recueilli par Carole Schmitz que nous remercions.
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