Très joli temps pour le cinéma Mexico-Espagnol en cet hiver. Après l’étonnant « Abel » de Diego Luna, le très beau « Alamar » de Pedro Gonzales-Rubio et le délicieusement flippant « Les yeux de Julia » de Guillem Morales, voici pour compléter cette éclectique liste de qualité « Même la pluie »
Cinquième long-métrage de la réalisatrice Iciar Bollain, présenté au Festival de Toronto en 2010, ayant fait l’ouverture de la 55ème Semaine Internationale de Cinéma de Valladolid, ce film va concourir pour l’Oscar 2011 du « Meilleur film étranger ». « Même la pluie » s’inspire de faits réels s’étant déroulés en avril 2000 dans l’une des principales villes de l’Altiplano Bolivien. Suite à la privatisation de l’eau, les habitants se révoltent. Ils manifestent, érigent des barricades à travers la ville et molestent les symboles gouvernementaux. Le président Bolivien déclare alors l’état d’urgence, un jeune homme est abattu par les forces de l’ordre lors des affrontements. Le peuple remporta finalement ce bras de fer et le service d’eau de la ville repassa dans le domaine public.
C’est dans ce contexte explosif que « Même la pluie » se déroule. L’histoire relate l’arrivée d’une équipe de cinéma. À sa tête un réalisateur, interprété par Gael Garcia Bernal et son producteur, Luis Tosar (Goya du meilleur acteur en 2004). La révolte pour l’eau, menée par l’un de leurs principaux figurants perturbe leur travail. Tous deux se retrouvent involontairement emportés dans cette lutte. Il y a l’histoire de « La guerre de l’eau », mais aussi celle du film d’époque tourné, l’arrivée des Colombs débarquant au XVIe siècle dans ce « Nouveau Monde » et l’exploitation ainsi que la résistance des Indiens d’Amérique Latine. La réalisatrice va jusqu’à créer un troisième niveau de récit, un troisième regard : Le making-off du tournage, offrant un lien, une passerelle entre ces différentes histoires.
“Maintenir la tension et faire progresser le récit à travers les trois histoires en maintenant l’intérêt du spectateur était un challenge” explique la cinéaste. Les multiples niveaux de récits, choix téméraire et source habituelle de confusion donne ici une légitimité et une pertinence incontestables à l’ensemble du film. Chaque récit donnant une résonance salvatrice aux autres.
C’est sans aucun doute grâce à l’écriture de Paul Laverty (scénariste attitré de Ken loach pour lequel il collabora sur neuf films) que cette performance est réussie. Les décors naturels sont magnifiques et les questions soulevées passionnantes. Jusqu’où le désir de vérité peut-il mener ? Existe-il des limites à respecter entre vie et cinéma, réalité et fiction ? Un film peut-il être une arme efficace de protestation ? « Même la pluie » est à la fois émouvant et réjouissant, une leçon d’humanité et d’espoir.
Dans une scène clé qui bouleversera les rapports entre les protagonistes de l’histoire, le producteur déclare au principal figurant, (le fascinant Carlos Aduviri) « On va faire un film d’enfer ! ». Pour cette fois, la fiction a rejoint la réalité.
Le lien pour la bande annonce sur YouTube :
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